Dakar, 15 octobre 2025 – Le Sénégal est en deuil. Adja Dial Moussé Alé Mbaye, plus connue sous le nom d’Adja Dial Mbaye, s’est éteinte ce mardi 14 octobre à l’âge de 76 ans, laissant derrière elle un vide immense dans le paysage musical et spirituel du pays. Native de Tivaouane, cette figure emblématique de la musique traditionnelle et religieuse sénégalaise des années 1980 et 1990 incarnait l’âme même de la culture wolof : une voix puissante, un répertoire ancré dans les traditions orales, et une foi inébranlable qui transparaissait dans chacune de ses mélodies. Son décès, survenu dans la discrétion, coïncide avec l’euphorie nationale de la qualification des Lions de la Teranga au Mondial 2026, comme un contraste poignant entre joie collective et perte intime.
Une enfance baignée dans la spiritualité de Tivaouane
Née vers 1949 dans la ville sainte de Tivaouane, bastion de la confrérie tidjane, Adja Dial Mbaye grandit au cœur d’un univers où la musique et la religion s’entremêlent. Fille d’une lignée imprégnée de traditions orales, elle hérite tôt d’une voix qui porte loin, forgée par les chants religieux et les griotismes ancestraux. Dès son adolescence, elle se distingue lors des cérémonies familiales et communautaires, où sa puissance vocale captive les auditoires. « Adja n’était pas seulement une chanteuse ; elle était une conteuse d’histoires sacrées, une gardienne de l’âme wolof », se souviennent ceux qui l’ont côtoyée jeune. Influencée par les maîtres du mbalax naissant et les louanges soufies, elle refuse les sirènes de la modernité pour rester fidèle à un répertoire pur, inspiré des épopées et des prières.
L’ascension d’une icône des années 80-90
Les années 1980 marquent son entrée triomphale sur la scène nationale. À une époque où la musique traditionnelle sénégalaise rivalise avec les vagues du mbalax de Youssou N’Dour ou du rock de Baaba Maal, Adja Dial Mbaye s’impose comme une diva incontestée. Sa voix, à la fois rauque et envoûtante, résonne dans les cassettes et les radios avec des titres comme *Xarit* ou *Ndeyssane*, des hymnes qui mêlent louanges au Prophète et célébrations des valeurs familiales. Elle excelle dans le genre du *walo*, ces chants rituels qui unissent les cœurs lors des mariages, baptêmes et rassemblements tidjanes. Polyvalente, elle flirte aussi avec le théâtre et les initiatives culturelles, devenant une actrice du patrimoine vivant.
Son engagement spirituel est légendaire. Observante pieuse, elle interrompait souvent ses répétitions pour les prières, et ses concerts étaient autant de moments de recueillement que de fête. « Même pendant les événements, elle trouvait toujours le temps de se retirer pour prier », témoigne un proche cité dans les hommages posthumes. Engagée pour les causes féminines et culturelles, elle soutenait les associations tidjanes et les festivals de musique traditionnelle, refusant les paillettes pour une authenticité brute. Au milieu des années 90, alors que le rap et l’afrobeat conquièrent la jeunesse, Adja persiste, devenant un pont entre générations, une « mère de la nation » musicale.
Une femme de famille, pilier de valeurs
Derrière la scène, Adja Dial Mbaye était une épouse dévouée et une mère aimante. Mariée à un homme discret du milieu religieux, elle cultivait des liens familiaux solides, visitant régulièrement ses proches et tissant des réseaux d’affection à travers le Sénégal. « Nous partagions des attaches familiales à travers nos grands-parents, et nous ne passions jamais un mois sans nous visiter », confie un membre de sa famille élargie, ému par sa générosité. Sa vie privée, loin des scandales, était un modèle de discrétion et de piété, contrastant avec le tumulte du show-business.
Un legs immortel, dans la tristesse d’un peuple
La nouvelle de son décès, a submergé les réseaux sociaux et les radios de chagrin. « Adja Dial Mbaye est vraiment partie ? », s’interrogeaient les fans incrédules, tandis que des hommages affluaient de figures comme le cheikh tidjane ou des artistes contemporains. À 76 ans, elle emporte avec elle un répertoire riche, des enregistrements rares qui continuent d’inspirer les jeunes griottes. Son enterrement, prévu ce jeudi à Tivaouane dans l’intimité familiale, symbolise le retour à la terre qui l’a vue naître.
Adja Dial Mbaye n’était pas une star éphémère ; elle était l’essence de la musique sénégalaise, une voix qui portait les prières du peuple vers les cieux. Dans un pays qui vibre pour ses Lions, sa disparition nous rappelle que les vraies victoires se mesurent aussi en héritages spirituels. Repose en paix, Mame Adja. Ton chant résonnera éternellement. 🇸🇳🎶

