Dans les couloirs feutrés de Washington, le Sénégal tente de recoller les morceaux avec le FMI. Après un scandale de dette cachée qui a gelé des milliards d’aide, la rencontre entre le ministre Cheikh Diba et Kristalina Georgieva ouvre-t-elle vraiment une « nouvelle page » ? Ou masque-t-elle les pièges d’une coopération qui pèse sur la souveraineté économique africaine ?
Une Rencontre Chargée d’Enjeux
À l’occasion des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, tenues du 13 au 18 octobre 2025, une délégation sénégalaise a posé ses valises dans la capitale américaine. Menée par Cheikh Diba, ministre des Finances, elle a discuté avec la directrice générale du FMI d’un potentiel accord financier frais. Les deux camps ont salué une entente sur les étapes futures, incluant une évaluation du « misreporting » – ce terme poli pour désigner la sous-déclaration massive de la dette sous l’ancien régime.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la dette réelle du Sénégal frôle les 119 % du PIB fin 2024, bien au-delà des estimations initiales. Ce révélateur, dévoilé par le nouveau gouvernement en 2024, a suspendu un programme de 1,9 milliard de dollars. Aujourd’hui, les négociations visent à relancer la machine, avec une mission du FMI prévue à Dakar dès la semaine prochaine pour boucler les détails techniques. L’objectif ? Soutenir une croissance projetée à plus de 4 % en 2025, tout en domptant un déficit budgétaire galopant.
Mais derrière ces discussions cordiales, plane l’ombre d’une transparence forcée. Le Sénégal a dû clarifier ses comptes pour regagner la confiance des bailleurs, un exercice qui expose les failles d’une gestion passée opaque.
Entre Soutien Financier et Contraintes Budgétaires
Ces échanges ne sont pas anodins. Ils interviennent après des mois de tensions, où le FMI a exigé des réformes pour corriger les erreurs de reporting. Le pays mise sur des financements concessionnels pour booster ses secteurs clés comme l’énergie et l’agriculture, mais à quel prix ? Les programmes du FMI imposent souvent des ajustements structurels coupes dans les dépenses sociales, privatisations qui freinent l’inclusion.
D’un œil analytique, cette « convergence de vues » semble plus une nécessité qu’un choix. Le Sénégal, sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, cherche à affirmer une économie « souveraine et inclusive ». Pourtant, les priorités budgétaires présentées à Washington gestion de la dette, réformes fiscales risquent de s’aligner sur les diktats du FMI plutôt que sur les besoins locaux. La croissance récente, dopée par les ressources naturelles, pourrait être entravée si les conditions du prêt privilégient l’austérité.
La Souveraineté en Péril ?
Ce partenariat « renouvelé » sent le déjà-vu. Le FMI loue les « progrès significatifs » du Sénégal, mais oublie-t-il que ses prêts creusent souvent un cercle vicieux de dépendance ? En imposant des politiques qui priorisent les créanciers internationaux, l’institution risque d’étouffer les ambitions nationales. Imaginez : un pays riche en gaz et pétrole, contraint à des coupes qui touchent l’éducation ou la santé pour rembourser des dettes gonflées par des erreurs passées.
Personnellement, je vois ici un test pour Dakar. Si le nouveau programme n’intègre pas des garde-fous pour protéger l’emploi et l’équité sociale, il pourrait alimenter les frustrations populaires. Le gouvernement doit négocier dur, pas plier. Sinon, cette « nouvelle page » ne sera qu’un chapitre de plus dans l’histoire des nations africaines piégées par les filets du FMI.
Regards Croisés : L’Afrique Face au FMI, un Phénomène Global
Le cas sénégalais n’est pas isolé. Regardez le Zambie ou l’Éthiopie : ces pays ont vu leurs programmes IMF suspendus pour des raisons similaires, menant à des restructurations de dette sous haute surveillance. En Afrique subsaharienne, plus d’une dizaine de nations flirtent avec la détresse financière, souvent amplifiée par des prêts du FMI qui imposent l’austérité.
Globalement, ces dynamiques rappellent comment l’institution, née pour stabiliser l’économie mondiale, finit par éroder la souveraineté. Des critiques, comme celles émises dans des rapports sur l’Afrique, pointent un « bargain faustien » : aide immédiate contre contrôle à long terme. Le Sénégal pourrait s’inspirer de pays comme l’Eswatini, qui maintiennent une dette IMF basse pour préserver leur autonomie fiscale.
Vers une Vraie Indépendance Économique ?
Le Sénégal avance vers un accord avec le FMI, mais à quel horizon ? Cette rencontre à Washington pourrait marquer un rebond, si elle priorise la résilience locale sur les impératifs globaux. Sinon, elle risque de perpétuer un cycle où l’Afrique paie cher sa quête de stabilité. Citoyens et leaders, restez vigilants : la souveraineté ne se négocie pas, elle se défend.

