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La France plaide la cause de Dakar auprès du FMI pour une dérogation sur la « dette cachée »

Dans un signe clair de rapprochement diplomatique avec le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, le gouvernement français s’est activement mobilisé pour obtenir une dérogation du Fonds monétaire international (FMI) dans l’affaire de la « dette cachée » du Sénégal. Cette intervention, rapportée par *Africa Intelligence*, intervient alors que le pays de la Teranga attend une décision cruciale de l’institution de Bretton Woods, suspendue depuis plus d’un an en raison de révélations explosives sur des engagements financiers dissimulés.

Un scandale financier hérité de l’ère Macky Sall


L’affaire de la « dette cachée » a éclaté en septembre 2024, peu après l’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, élu sur un programme de « rupture » promettant transparence et souveraineté économique. Un audit commandé par le nouveau gouvernement, réalisé par la Cour des comptes et confirmé par une mission du FMI en mars 2025, a révélé une sous-évaluation massive de la dette publique. Initialement estimée à 74,4 % du PIB fin 2023, elle s’est avérée atteindre 111 % fin 2023, puis 118-119 % fin 2024, soit environ 7 milliards de dollars (plus de 4 200 milliards de FCFA) d’engagements non déclarés, accumulés entre 2019 et 2024 sous l’administration de l’ancien président Macky Sall.

Ces « misreporting » – terme technique du FMI pour désigner les déclarations erronées – ont conduit l’institution à geler un programme d’aide de 1,8 milliard de dollars en octobre 2024. Le scandale a non seulement fragilisé la crédibilité financière du Sénégal, mais aussi terni les relations avec les bailleurs internationaux, provoquant des doutes chez les agences de notation et une pression accrue sur les finances publiques.

Bassirou Diomaye Faye a publiquement interpellé le FMI lors d’un entretien à *France 24* en septembre 2025, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York. « Le FMI est libre de faire les démarches additionnelles qui le rassurent », a-t-il déclaré, tout en soulignant que les audits avaient été menés « pour la crédibilité vis-à-vis de notre peuple ». Le président a également évoqué des alertes personnelles envoyées au FMI sous son mandat précédent, questionnant la vigilance de l’institution.

Le rôle pivot de la France dans les négociations


Face à ces tensions, Paris a pris le parti de Dakar. Selon des sources diplomatiques citées par *Africa Intelligence*, le Quai d’Orsay a multiplié les contacts en coulisses pour plaider en faveur d’une dérogation, qualifiée de « waiver » technique. Cette exemption permettrait au Sénégal de contourner les sanctions liées au misreporting et de relancer un nouveau programme de prêts, essentiel pour stabiliser l’économie et financer les réformes du plan « Sénégal 2050 ». Ce plan, dévoilé récemment par Faye, met l’accent sur la jeunesse, la lutte contre la corruption et une coopération panafricaine accrue.

Ce soutien français s’inscrit dans un contexte de réchauffement des relations bilatérales. Lors de sa visite à Paris en août 2025, Bassirou Diomaye Faye a rencontré des responsables français, dont le président de la Confédération des employeurs (Medef), pour discuter d’investissements et de partenariats. Malgré les discours souverainistes de Faye – qui prône une « indépendance économique » face aux influences extérieures –, cette mobilisation française illustre une coopération pragmatique, loin des frictions post-coloniales du passé.

Perspectives et défis pour le Sénégal
Le 3 octobre 2025, le conseil d’administration du FMI, réuni sous la houlette de la directrice générale Kristalina Georgieva, a ouvert la voie à une reprise de la coopération. Georgieva a salué les « mesures correctrices » engagées par Dakar, comme la consolidation des données budgétaires et la restauration de la transparence. Une mission du FMI en août 2025 avait déjà validé ces efforts, mais l’institution attend toujours un inventaire exhaustif pour lever définitivement la suspension.

Sur les réseaux sociaux, les réactions sont mitigées. Des soutiens comme le journaliste Abdou Faye appellent à « traîner l’ancien régime devant le tribunal populaire », tandis que des opposants, tels que Dr Madior Ly, ironisent sur une « supplication » de Faye auprès des « toubabs ». L’opposition politique, quant à elle, craint que la quête de dérogation ne masque des mesures d’austérité impopulaires, contraires aux promesses de redistribution des richesses.

Interrogé sur d’éventuelles poursuites contre Macky Sall, Faye a tempéré : « Je fais toujours la différence entre se faire justice et rendre la justice », insistant sur l’État de droit. Le FMI, de son côté, a reconnu une « responsabilité partagée » dans la surveillance des comptes, évitant d’alimenter les accusations de complicité.

Vers une « renaissance » économique ?


Cette dérogation potentielle pourrait marquer un tournant pour le Sénégal, permettant de débloquer des fonds cruciaux en vue des Jeux olympiques de la Jeunesse et d’autres priorités. Cependant, elle repose sur un équilibre délicat : renforcer la transparence sans stigmatiser les vulnérabilités héritées. Comme l’a rappelé Edward Gemayel, chef de mission du FMI pour le Sénégal, l’institution est « prête à soutenir un calendrier ambitieux de réformes ».

Ce rapprochement franco-sénégalais, au-delà de la dette, symbolise une diplomatie pragmatique dans un continent en quête d’autonomie. Le Sénégal, « pays de la Teranga », pourrait ainsi transformer ce scandale en opportunité de gouvernance renouvelée. Suivez les annonces officielles du FMI et du ministère sénégalais des Finances pour les prochaines étapes.

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